C’est l’été et comme tous les étés les femmes lisent des magazines people en bronzant et Darmanin fait la chasse aux antisémites pour le compte de l’oligarchie. Toujours à l’avant-garde, E&R combine le meilleur des deux mondes et propose de divertir tout en faisant réfléchir, ce qui est bien la moindre des choses à l’heure où le surgissement des échanges épistolaires du jeune Barack Obama semble confirmer une drôle de « tendance »... On ne fait que suivre l’air du temps, finalement !
Novembre 2016 : deux mois et demi après sa démission du gouvernement Valls II, Emmanuel Macron annonce sa candidature à l’élection présidentielle française de 2017, faisant pleuvoir superlatifs et comparaisons. Après François Bayrou, c’est finalement du mari de Michelle Obama – plus sexy, plus bankable – que la presse rapproche le mari de Brigitte Macron. Journaliste franco-israélienne ayant débuté comme assistante de Christine Ockrent (madame Bernard Kouchner) avant de participer à la création de la très atlantiste agence CAPA, Laurence Haïm rejoint alors l’équipe d’En marche et lance le mot d’ordre : « Macron est le french Obama ! »
Quand Emmanuel copie Barack...
L’autre parallèle évident sera effectué, une fois élu, par Emmanuel Macron himself : en juin 2019, le Président signe en effet la préface du livre Dans l’intimité du pouvoir. La présidence de Georges Pompidou dans laquelle il salue « le réformateur inlassable qui fit de la France une avant-garde, un homme qui sut entraîner le pays dans un grand mouvement de progrès » avant de conclure, soulignant les similitudes avec sa propre politique, que « notre nation n’est jamais aussi grande que lorsqu’elle consent à l’audace et à la modernité »...
Vue à l’époque comme un acte politicien visant à séduire et rassurer l’opinion publique de droite libérale dans un contexte post-Gilets jaunes, cette sortie semble pourtant renseigner autant sur l’idée que le chef de l’État se fait de lui-même que sur la filiation dans laquelle il s’inscrit. Alors, avant Obama : Pompidou ?
De la banque Rothschild à l’Élysée
Comme Emmanuel Macron, Georges Pompidou était un lettré amateur d’art passé par la banque Rothschild. Les quelques différences sont dans les détails : le DEA de philosophie de Macron à l’université Paris-Nanterre est nimbé de mystère (un jour son mémoire porte sur Hegel, le lendemain sur Machiavel, le surlendemain sur Althusser) quand Pompidou est reçu premier à l’agrégation de lettres en 1934, Macron a échoué par deux fois au concours d’entrée à l’ENS quand Pompidou l’a brillamment réussi du premier coup, Macron relooke l’Élysée avec des œuvres d’art contemporain pour amateurs pédants sans goût (voir son admiration pour Anselm Kiefer et Shepard Fairey) quand Pompidou était un vrai passionné et un collectionneur d’art moderne et Macron fut associé-gérant chez Rothschild & Cie quand Pompidou assura les fonctions de directeur général de la banque fondée par le baron Jacob Mayer de Rothschild.
Entré chez Rothschild en 1953, Pompidou y reste jusqu’en 1962 et sa nomination en tant que Premier ministre de Charles de Gaulle (après avoir refusé le portefeuille de ministre des Finances en 1958), nomination qui lui ouvrira une voie royale vers la prise du pouvoir après la déstabilisation du Général en 1968-69. Une fois installé, le financier appliquera durant quatre ans et neuf mois une politique que l’on pourrait qualifier de « pré-néolibérale » : européisme (il énonce le triptyque « achèvement, approfondissement et élargissement » qui sert de base à la politique de construction européenne par la suite), atlantisme (il valide l’entrée des États-Unis et de la Grande-Bretagne dans la CEE) et réformisme (les grandes sociétés françaises sont encouragées à muter en multinationales, le SMIC est créé et les bases d’un « autre contrat social au sein des entreprises » sont jetées), le tout saupoudré d’un ordre moral et policier (son ministre de l’Intérieur Raymond Marcellin – surnommé « Raymond la matraque » – appliqua une loi anti-casseurs qui transformait automatiquement les manifestants en complices des auteurs de violences) hypocritement censé être au service de la « modernisation ». Toute ressemblance avec qui vous savez est fortuite...
Précisons également que c’est sous le mandat de Pompidou que la France, par l’entremise des nouveaux statuts de la Banque de France adoptés le 3 janvier 1973, s’interdit de recourir à la planche à billets de sa propre banque centrale, mettant ainsi définitivement les États à la merci du système bancaire et amorçant la descente aux enfers de la dette publique.
Entourage et filiation
Comme les Macron, les Pompidou n’ont pas d’enfant (le scientifique Alain Pompidou est leur fils adoptif).
Et comme les Macron, leur entourage proche est constitué d’homosexuels :
Françoise Sagan (la romancière droguée qui fera un enfant avec le mannequin américain Robert Westhoff, lui aussi homosexuel)
Jacques Chazot (danseur étoile mondain connu pour surjouer l’efféminement)
Serge Lifar (danseur et chorégraphe ukrainien, par ailleurs antisémite)
Bernard Buffet (peintre et graveur qui fut le « compagnon » de Pierre Bergé durant huit ans)
Coco Chanel (la créatrice de mode et grande couturière qui fréquentait Cocteau, Proust, Colette, Visconti, Yves Saint-Laurent... par ailleurs également présentée comme une antisémite, sauf avec les Rothschild)
Bref, tout un monde qui semble central dans l’histoire du « couple fusionnel » de Georges et Claude Pompidou...
Quelques photos...
Et si l’affaire Markovic avait servi d’écran de fumée ?
Le 1er octobre 1968, la découverte, dans une décharge publique, du corps du gigolo yougoslave Stevan Markovic (jusqu’alors très lié à Alain Delon car présenté comme son garde du corps et son « homme à tout faire »), et le témoignage d’un jeune détenu avec lequel il était ami sur « une grande blonde » croisée à des soirées libertines et échangistes dans une villa des Yvelines, servent de déclencheur : alimenté par un prétendu photomontage représentant la future Première dame en train de pratiquer une fellation, la rumeur se lance et tance le Premier ministre. Partouzarde, Claude ?
L’échec du référendum de 1969 et la démission surprise du général de Gaulle feront passer au second plan une affaire qui reste sans réponses :
qui a commandité l’assassinat de Markovic ?
de quelle nature était son chantage ?
quels liens unissaient Delon, Markovic et les Pompidou ?
Une fois entrés à l’Élysée, Georges et Claude Pompidou prendront l’habitude de s’isoler chaque week-end dans l’austère forteresse de Brégançon, résidence de villégiature étatique également prisée par les Macron car éloignée du Tout-Paris loquace et curieux...
Quelques pistes en guise de conclusion
Renforcée dans son image de femme hétérosexuelle par une affaire Markovic qui scellera la rupture entre Charles de Gaulle et Georges Pompidou et posera le futur président en victime progressiste d’un complot mafieux, Claude Cahour se renfermera sur elle-même après la mort de son mari en 1974. De cette date à son décès en 2007, cette orpheline (sa mère meurt lorsqu’elle a sept ans) au prénom épicène (comme sa sœur Jackie) n’apparaîtra en public que dans les cercles mondains et contrôlés de l’art contemporain. Probablement un moyen pour elle de se rappeler son coup de foudre au quartier Latin pour un jeune passionné de Max Ernst (là aussi il y aurait des choses à dire sur le peintre et sculpteur surréaliste, notamment son « trouple » avec Paul Éluard et Gala, cette dernière étant devenue par la suite l’épouse de Salvador Dali avant de vivre à trois avec Amanda Lear...) qui aimait la compagnie des femmes, contrairement à elle...
À la faculté, elle est certainement courtisée, au-delà même de ses attentes… Un cercle ésotérique repère en elle des qualités de médium qui se vérifieront au cours de son existence. Cette prédisposition, néanmoins, l’inquiète : elle la repoussera toute sa vie pour se protéger d’elle-même. Sa capacité d’anticipation, son sens prémonitoire représentent autant d’atouts que de handicaps. Claude est, par exemple, sensible à l’expression des mains. Souvent je l’ai entendue porter des jugements sans appel sur telle ou telle personnalité. "Il a des mains épouvantables", affirmait ma mère avant même d’avoir pu engager la conversation et elle ne se trompait pas…
Déjà la compagnie des femmes l’ennuie. Elle ne s’intéresse qu’à ceux qui visent avec talent un but précis. Séduisante, sans préjugés, curieuse de nouveauté, elle peut enfin donner sa mesure. Sa spontanéité s’exprime au sein du cercle d’amis qu’elle a su sélectionner. Libre et indépendante, elle ne se distingue encore en rien des autres, sinon par son attitude résolue, à l’abri des critiques et des regards malintentionnés qui ont jalonné son adolescence.
Signées de la main d’Alain Pompidou, fils adoptif du couple présidentiel qui deviendra médecin-universitaire spécialisé dans le VIH et qui décrit sa vie comme « marquée par le secret », ces quelques lignes extraites de Claude : c’était ma mère (2016), seul ouvrage consacré au mystère Claude Pompidou avec Claude Pompidou l’incomprise (2010) d’Aude Terray (présentation officielle ci-dessous), prennent une autre dimension à l’aune de la perspective proposée ici.
Claude Pompidou a été la cible de nombreuses critiques. Épouse de Premier ministre, elle est moquée. Épouse de candidat à la présidentielle, elle est traînée dans la boue avec l’affaire Markovic. Épouse de président de la République, elle est une première dame mal aimée du grand public et raillée dans la presse, mais également dans l’entourage de Georges Pompidou, malgré ses efforts et son engagement. Qui était vraiment Claude Pompidou ? Quel a été son rôle, sa place, son influence ? Les clichés contradictoires à son propos s’accumulent : mondaine, coquette, arriviste, papesse de l’avant-garde, opposée à la carrière politique de son mari, mais aussi sauvage, gaffeuse, naturelle et sportive, digne dans la tragédie, grande dame à la tête de sa fondation, protectrice de l’art contemporain. Son image est brouillée. N’a-t-elle pas, elle-même, contribué au malentendu ? Cette première biographie de Claude Pompidou tente de percer sa forte personnalité, de saisir la vérité de cette femme singulière qui a puisé dans sa dualité intérieure une force à la mesure de son destin. Aude Terray historienne a écrit la première biographie de Claude Pompidou.
L’enquête ne fait peut-être que commencer !